De la peur d’avancer

Allez, il y a des jours où on sent qu’il faut parler.

Avancer, donc. Avoir peur de ça ? Quelle drôle d’idée. Mais pourquoi ? C’est idiot ! Eh bien pas tant que ça.

D’aussi loin que je me souvienne, j’ai toujours été un rêveur plein d’idées, de « projets » dans la tête. Les amis qui me connaissent ont depuis bien longtemps arrêté d’être enthousiastes et ont, à raison, fini par se dire « oui, ben on verra s’il finit vraiment par faire quelque chose hein ».

Des idées, des rêves, c’est facile d’en avoir, mais les réaliser, c’est presque les tuer pour moi. Se dire « je pourrais », « je peux », « ce serait bien que je fasse », « je vais », c’est imaginer dans le futur la réalisation. Et quand l’objet est réalisé, il n’est plus qu’un objet, une masse inerte faite de matière, sans âme et limitée puisqu’on en connaît tous les rouages.

Réaliser, en ce qui me concerne encore une fois bien entendu, demande, je crois, plus d’effort pour moi que pour d’autres. C’est du moins l’impression que j’ai. Étant plutôt cérébral, je réfléchis, beaucoup, et pas forcément très efficacement je dois dire. Et les raisons de ne pas faire, j’en trouve très facilement des dizaines, la première étant en général que d’autres feraient la même chose mieux que moi, alors pourquoi polluer l’espace et faire perdre son temps à tout le monde en montrant des choses inutiles alors que je peux inviter les gens à aller voir les œuvres de ceux qui font mieux ?

Chaque fois que je dois me mettre à l’ouvrage, le déchirement est là. Je vais peut-être paraître ridicule (mais je suis sur mon blog hein, qui lira ça ?), mais voir s’approcher la fin d’une préparation, voir le moment où je devrais me dire « c’est bon, tu n’as besoin de rien d’autre. Tu as tout ce qu’il te faut. Maintenant il faut y aller, produire, marteler, découper, scier, coder, etc », ça tient quasiment de la douleur physique. Même rédiger ce billet demande un effort. Et les seules fois où j’arrive à peu près à faire quelque chose, c’est quand l’idée arrive et que je me jette sans réfléchir, y compris aujourd’hui, vous vous en serez doutés.

Je regrette, souvent, de n’avoir pas pu montrer ce que je peux avoir dans la tête. D’une certaine façon, toute une partie de moi n’est pas montrée. C’est une frustration quotidienne non seulement parce que mon entourage me connaît moins bien, mais surtout – et vous pardonnerez cet égoïsme – parce que je sais le bien que peut faire l’introspection et la découverte de qui je suis. Partir dans l’exploration des tréfonds de sa psyché peut faire mal, mais c’est toujours enrichissant.

Une phrase que j’aime beaucoup dédouane l’artiste : « La beauté est dans l’œil de l’observateur ». L’artiste a donc un rôle à la fois compliqué et minime dans le plaisir qu’aura l’observateur à la vision de sa création. Et encore, il n’est absolument pas censé produire pour faire plaisir à l’observateur, mais faire ce qui lui semblera beau ou intéressant à lui. Donc considérant qu’il n’a de compte à rendre à personne, la liberté est totale, et l’idée que le spectateur ne comprend pas ou qu’il n’est simplement pas réceptif, que ce n’est pas dans ses goûts explique son désamour.

La belle affaire… Les choses ne se passent évidemment pas comme ça, en tout cas pour moi. On recherche toujours une certaine forme d’approbation. Et sans comparaison aucune (vous plaisantez ?), je n’ose pas imaginer la vie de Van Gogh, génie conspué et rabaissé par tout son entourage.

Et voilà le comble : Je ne sais même pas comment finir ce billet. Il resterait à rédiger une petite conclusion. Terminer sur une note un peu plus optimiste peut-être, mais ce n’est pas ce que je veux. Quand il s’agit de méta-analyse, d’auto-psychanalyse (de comptoir hein), je pense à l’être, détaché d’émotion, donc d’optimisme aussi bien que de pessimisme.

Les mots sont jetés, et toujours l’impression qu’il y a des choses que j’aurais pu ajouter, mais qui ne me viennent pas. Encore une forme d’inachevé. Mais ça ne vient pas, et le bouton « Publier » est là, alors cliquons.


Directive droit d’auteur : Mindfuck et contradictions chez les penseurs.

Aujourd’hui, je ne vais pas vous parler de technique, ou très peu, mais de juridique.

 

Il y a en ce moment un débat fort sur des positions en désaccord chez des personnalités en général reconnues pour leur position protectrices des citoyens sur l’Internet. J’en donnerais ici mon point de vue.

Posons le contexte : Est en débat en ce moment au parlement européen une directive dite « droit d’auteur » qui est actuellement critiquée par différents acteurs impliqués dans la protection des droits fondamentaux des citoyens sur Internet, comme la liberté d’expression par exemple.

Dans cette directive, l’article 13 stipule qu’un hébergeur (YouTube, FaceBook, Instagram, Blogger, ou tout ce qui permet à quiconque de publier quelque chose) doive faire un contrôle à priori de toute publication avant de la rendre accessible, et ce pour protéger le sacro-saint droit d’auteur.

Evidemment, il s’est pris un « déluge de critiques » de la part de beaucoup d’acteurs français et américains connus et reconnus pour leurs apports au développement d’Internet.*

Et aujourd’hui, je tombe sur un article signé de Marc Rees dénonçant fortement la position de la Quadrature du Net concernant ce fameux article 13, commenté par Benjamin Bayart (alias bayartb). C’est cet article qui m’a incité à ressortir mon plus beau clavier et à publier ici sachant que mon commentaire serait trop long pour rentrer dans les commentaires.**

Soyons clairs tout de suite sur un point : j’admire ces deux personnes.

Marc Rees : connu et reconnu pour un travail de journaliste spécialisé dans le numérique et tous ses aspects connexes depuis au moins 20 ans à vue de nez (info non vérifiée, mais à priori en dessous de la vérité) dans différents médias. Il publie aujourd’hui pour NextInpact mais j’ai pu lire il y a bien longtemps des articles signés par lui dans les Puces Informatiques ou Pirates Mag.

Benjamin Bayart : plutôt connu et reconnu par les gens qui s’intéressent à Internet et aux réseaux mais tout autant respecté. co-fondateur de La Quadrature du Net, longtemps président de FDN (French Data Network, le plus ancien fournisseur d’accès à internet associatif encore en activité), acteur (et co-créateur ?) de FFDN, une fédération de fournisseurs d’accès à Internet associatifs, acteur (et co-créateur ?) de FDNN (le Fond de Défense de la Neutralité du Net) ayant permis aux citoyens de continuer à faire des dons à Wikileaks alors que les banques les lâchaient. Bref, un activiste, penseur et vulgarisateur de grande qualité.

La Quadrature du Net (LQDN) : Association de défense des libertés sur Internet, ayant déjà fait un travail colossal surtout juridique mais aussi technique, et ayant déjà des victoires à son actif, comme le rejet d’ACTA en 2012.

 

Le débat, donc :

D’un côté, LQDN indique que les gros hébergeurs, « qui hiérarchisent les contenus à des fins lucratives et qui atteignent un certain seuil fixé de manière claire », devraient être concernés par cet article 13. Cela aura comme conséquence de privilégier les solutions libres et décentralisées.

De l’autre Marc Rees répond que la limite définie de 50 millions d’euros de chiffre d’affaires et 250 salariés, ça ratisse déjà assez large, et ça ne va pas toucher que les GAFA (Google, Apple, FaceBook et Amazon).

 

Enfin, ma réponse :

« Nul ne devrait être inquiété pour les agissements d’autrui. Et si l’on me dépossède de mes créations, alors on en endosse aussi les responsabilités. »

Étant donné que bien souvent, les CGU que l’on accepte sans les lire stipulent que tout contenu publié par un utilisateur devient la propriété de la plateforme (FaceBook, Google+, etc) et qu’ils peuvent donc piocher dedans pour toutes fins qui pourraient leur être utile, alors pourquoi ne pas aussi en déléguer la responsabilité ? Le contenu que je publie vous appartient ? Alors si vous êtes considéré comme propriétaire, alors soyez aussi considérés comme éditeur, et donc responsable. ça aurait à mon avis comme effet bénéfique une modification rapide des CGU de ces plateformes en faveur des utilisateurs.

Et si les CGUs sont correctes, alors ici est le problème. Un hébergeur doit rapidement retirer un contenu qu’on lui a signalé comme manifestement illégal (et ici, on ne parle pas que de droit d’auteur du coup). Un problème d’administration est donc ici de pouvoir dimensionner une équipe de modérateurs suffisamment grande pour pouvoir retirer tous ces contenus. Et cette étape ne DOIT PAS être effectuée par une machine. Un contrôle humain est ici nécessaire. On sait que FaceBook emploie déjà des milliers de personnes pour cette tâche, et a promis d’en recruter 20 000 de plus.

Et puis quid d’un standard de communication spécifique aux réseaux sociaux ? On met toujours en opposition les différentes plateformes les unes avec les autres, si bien que pour pouvoir percer aujourd’hui, il faut employer un angle d’attaque jamais encore exploré. J’aimerais pouvoir penser mes interactions sociales comme je pense au mail. J’aimerais qu’il existe un protocole de communication standardisé pour les réseaux sociaux qui me permette de choisir le logiciel client que je veux parmi plusieurs, et un serveur chez qui créer mon compte, chez qui je pourrais facilement importer toutes mes données provenant d’un autre serveur que j’aurais quitté précédemment. Les solutions comme Diaspora* (l’astérisque n’est pas un lien en base de page, elle fait partie du nom) sont intéressantes, et il serait bon de voir plus de monde dessus, mais c’est insuffisant. Si ce standard existait, les principes de masse critique ou de « je vais là car tous mes copains et copines y sont » n’auraient plus lieu d’être.

 

Ensuite, il semble que l’objectif global ait été perdu par la LQDN (il ne s’agit bien sûr que de mon avis, encore une fois). L’idée d’une législation à géométrie variable, basée sur un « t’es un gros, alors tu dois être avide de cash et ne pas respecter tes utilisateurs », me met mal à l’aise, et cette position semble trop taillée pour taper sur certains.

Si j’essaie de reposer la question de fond : La création de la directive est motivée par une sentence de ce goût là : « Le droit d’auteur est très souvent bafoué sur Internet, et il faut donc légiférer pour le limiter. » Mais posons-nous aussi la question de la véracité de cette proposition. Le partage sur Internet est mauvais pour la création et les auteurs ? Là est une question plus importante à laquelle on a déjà eu des réponses. Et non, légiférer est inutile. Le partage d’œuvres sur Internet ne nuit pas aux ventes, au contraire.

 

à mon sens, cette directive, et donc particulièrement son article 13, est au mieux inutile, au pire dangereuse, car elle met en place des moyens techniques qui pourraient être aisément détournés à d’autres fins.

 

PS : N’étant pas un bloggeur très actif, vous m’excuserez les éventuelles erreurs de formulation, de rythme, de clarté ou de mise en forme. Toutes les remarques constructives sont les bienvenues. N’hésitez donc pas à poser vos questions, même si elles vous paraissent triviales. Personne n’est ridicule ici.

 

* cf https://www.nextinpact.com/news/106734-filtrage-deluge-critiques-sur-article-13-projet-directive-sur-droit-dauteur.htm

** cf https://www.nextinpact.com/news/107093-directive-droit-dauteur-gymnastique-dangereuse-quadrature-net.htm